Annoncer sa décision
Une fois la décision prise, elle doit être communiquée. Cette étape est source d’angoisses (avant) et de regrets (après).
La vie courante ne nous apprend pas à annoncer de telles nouvelles ; pour autant et avec une dose de méthode, l’annonce peut être abordée sereinement et sans être source de rancœurs.
Pourquoi « bien » communiquer ?
L’annonce est la première phase « visible » du processus. En gérant bien celle-ci, vous augmentez drastiquement vos chances de garder de la communication et d’œuvrer ensemble vers la résolution (i.e régler ce qui est à régler, faire des efforts communs, etc.). Une explosion d’égo va forcer chacun à rechercher son intérêt individuel et non une solution équitable et bénéfique, de par l’évitement du conflit et la recherche de solutions très individualisées, aux deux.
Avant l’annonce, prenez quelques précautions
Chacun va, même inconsciemment, penser à ses propres intérêts après une telle annonce. Il vaut donc mieux prendre les devants à propos de la documentation - des demandes deviennent suspectes après - et en prévenant des réactions irrationnelles.
Levez des copies de la documentation
Peu importe l’importance de l’annonce et votre estimation d’une issue pacifique : avant celle-ci, préservez les documents essentiels pour défendre vos intérêts (la liste peut être préparée par un avocat ou s’inspirer de celles figurant en annexe) en les numérisant (gardez le support de données loin du domicile !) ou en les copiant préalablement.
Gérez le risque de réactions irrationnelles
Si vous craignez des réactions irrationnelles (enlèvement d’enfant et siphonnage de comptes en particulier), vérifiez avec votre avocat les moyens d’agir. Celui-ci pourra coordonner l’annonce à des requêtes de mesures superprovisionnelles de l’autorité (ex. confiscation du passeport, blocage des comptes).
Le risque de suicide
C’est une crainte parfois entendue, parfois menacée ouvertement ou à mots couverts par la personne concernée. Il n’est pas aisé de l’ignorer.
Choisissez le moyen, le moment et le lieu propices
En principe, une telle annonce se fait toujours en face à face. Nous vous donnons des clefs sur la manière de gérer une telle annonce.
L’exception
L’exception la plus communément admise est la crainte de violences conjugales. Si vous éprouvez une telle crainte, vous devez penser à votre sécurité en premier lieu.
Il s’agit du seul obiter dictum de ce petit guide. La violence conjugale est un fléau dont seule la prévention permet de protéger les victimes. Il est toujours trop tard « après » et rien ne justifie un risque de violences.
Choisissez un lieu dans lequel chacun pourra se retirer séparément après et une heure permettant de prendre un peu de recul sur les événements — je vous déconseille fortement la fin de soirée, par exemple, et l’hôtel durant les vacances.
Exposez votre sentiment et non des reproches
C’est impératif. Vous annoncez une décision, que vous fondez sur votre perception. Il est donc capital que l’autre puisse vous comprendre, ce qui n’arrivera pas si vous lui exposez des reproches.
Par exemple, vous pouvez dire « Je me sens très délaissé(e) » ; évitez de dire « Tu ne me jettes plus un regard ». Un autre exemple ? « Lorsque tu joues, j’ai très peur pour les finances du couple. Mon angoisse est totale ».
Des reproches vont entraîner une réaction de défense, que vous ressentirez comme de l’incompréhension, le tout menant la plupart du temps à l’engueulade.
Indiquez ci-dessous les reproches que vous entendiez dire (ou que vous risquez de dire) et reformulez-les en sentiments :
Annoncez franchement votre conclusion ou vos doutes
Après une brève introduction factuelle (ce que vous ressentez), allez directement au but.
Annoncer une décision unilatérale
Il s’agit alors d’annoncer votre conclusion et de ne pas s’étendre. Exemple :
« Pour toutes ces raisons, j’ai pris la décision de nous séparer ».
Un autre ?
« Je ne peux pas me contenter de tes explications et j’ai demandé à un expert de faire toute la lumière sur les comptes. Je prendrai les décisions qui s’imposent ensuite ».
Annoncer des doutes
Les doutes sont différents et visent un autre type de solution : votre décision est temporaire et amenée à évoluer dans un sens ou dans l’autre.
Vous devez faire passer le message à la personne intéressée de ce doute, du temps que vous vous laissez pour parvenir à une solution différente et de ce qui vous fera prendre votre décision.
L’absence de fioriture est essentielle
Vous annoncez une chose difficile. La réalité est brutale et rien ne vient l’atténuer ; des circonvolutions, des hésitations, des excuses ou des comparaisons avec des tiers sont hautement inopportunes.
Vous rajoutez à l’inconfort
Des hésitations ajoutent à l’inconfort du moment en vous rendant peu sûr(e) de vous, ce qui a un impact sur la force de votre décision.
Des excuses sont inopportunes à ce moment-là et elles peuvent être (très) mal vécues
Il est toujours possible de s’excuser - mais tous les moments ne sont pas appropriés. Celui de l’annonce l’est très rarement.
Le risque est grand de s’excuser en lieu et place d’être désolé, ce dernier étant parfaitement compréhensible.
Dans tous les cas, des excuses ne se justifient éventuellement qu’en cas de faute, laquelle doit avoir un lien direct avec l’annonce.
Si vous n’avez pas de faute à vous reprocher, dites simplement « je suis désolé(e) » si vous voulez absolument dire quelque chose en ce sens. Dites-le après le silence suivant l’annonce et non avant.
Gardez le silence après l’annonce
La tentation est grande de combler le silence. Ne le faites pas ou, du moins, pas de suite. Laissez un temps approprié - 30 vraies secondes, par exemple, pour laisser à la personne concernée le temps d’absorber une information importante, de regagner le contrôle de ses émotions et de vous répondre.
Si la personne ne rompt pas le silence, ne vous en offusquez pas et concluez rapidement, mais simplement, en indiquant quand vous donnerez des nouvelles, puis laissez la personne seule.
Gérez les objections
Certains réagiront par de l’incompréhension, de l’agressivité ou contesterons vos sentiments, d’où l’importance de rappeler que vous ne parlez que de votre ressenti. Par définition même, personne ne peux vous « voler » votre ressenti, que vous êtes seul(e) à percevoir.
Voici quelques échappatoires courants :
En cas d’incompréhension ou de contestation de vos sentiments : « en substance, tu me dis que [résumer ici son propos]. Je t’ai dis que je ressentais [l’émotion et les faits pertinents]. C’est ce que je ressens, c’est tout, et c’est aussi pour ça que je t’ai annoncé que [votre annonce]. ». S’il ou elle insiste, répondez simplement « j’entends que tu me redis que [résumer très brièvement le propos]. Je t’ai déjà répondu ».
En cas d’agressivité : « je ressens de l’agressivité de ta part. Je le regrette. Je t’ai expliqué pourquoi je te faisais cette annonce. ». Je vous propose de ne pas répondre à d’éventuelles menaces et de couper court en partant ; le fonctionnement est ici très individuel.
Dans les deux cas, expliquez quand vous redonnerez des nouvelles et partez rapidement.
Ne cherchez pas à obtenir d’assentiment
Il est strictement inutile de chercher à ce stade à obtenir un assentiment sur votre constat. Il peut venir spontanément, ce qui est le cas si l’autre y pensait. Il peut également venir dans l’agression et la surenchère (« alors je demande le divorce tout de suite »).
Chercher l’assentiment ne laisse pas à l’autre le temps d’assimiler la nouvelle et de s’y projeter ; il ressentira être contraint de donner son avis ou ne donnera peut-être pas le fond de sa pensée.
Vous avez vous-même peut-être pris plusieurs mois avant de prendre cette décision. Il faut également laisser à votre interlocuteur, qui ne s’est peut-être pas projeté autant, un temps limité pour qu’il puisse prendre ses propres décisions.
Indiquez ce qui va se passer ensuite
Il est beaucoup plus simple d’informer de ce qui est prévu plutôt que de laisser votre interlocuteur dans l’expectative la plus totale.
De manière très générale, je vous invite à lire les chapitres ci-dessous avant l’annonce. Ils vous permettront de déterminer ce que vous souhaitez proposer au terme de l’annonce.
Vous pouvez le formuler simplement :
« Nous devons régler ce qui va se passer immédiatement. J’ai consulté un avocat pour avoir des premiers renseignements. Je te propose que nous nous y rendions ensemble pour en discuter, je te donnerai une date ».
« Mon avocat va t’envoyer des propositions de médiateur »
Il s’agit simplement pour lui ou elle de connaître la prochaine étape, rien de plus.
Après l’annonce, tenez informé en temps et en heure.
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